Sri Chinmoy 3100 miles Self-Transcendence

Sri Chinmoy Self-Transcendence : La course de 3 100 miles autour d’un pâté de maisons de New York

Faisant suite au précédent article sur les résultats des 3100 miles de 2019, voici la traduction d’un article du 21 juin dernier de Justin Goulding de la BBC, Sri Chinmoy Self-Transcendence: The 3,100-mile race around a New York block :

De nombreux concurrents déclarent avoir des expériences hors du corps pendant la course
De nombreux concurrents déclarent avoir des expériences hors du corps pendant la course

C’est une course si longue que les coureurs ont besoin d’une coupe de cheveux pendant celle-ci. Ils peuvent utiliser 20 paires de chaussures. Ils courent plus de deux marathons par jour pendant presque deux mois. Avec cinq heures de sommeil par nuit.

Bienvenue aux « Sri Chinmoy Self-Transcendence 3.100 Mile Race », la plus longue course à pied certifiée au monde (4989 km). La distance est si incroyablement absurde que certains participants ne pensent pas en être capables – même après l’avoir complétée.

La distance

C’est à peu près l’équivalent de courir de Land’s End à John O’Groats et retour (Land’s End à John O ‘Groats est la traversée de toute la longueur de l’île de Grande-Bretagne entre deux extrémités, au sud-ouest et au nord-est). Si vous courez de la côte ouest de l’Amérique à la côte est, il vous faudra tout de même faire plus de 100 marathons pour compléter la distance (4500 km).

Au moins le paysage sur ces routes peut vous faire oublier les choses. Les rares personnes qui participent à cette course – seuls ceux dont le CV est ultra-éprouvé sont autorisés, pour leur propre sécurité – le font autour du même pâté de maisons à New York. Ils parcourent le trottoir de la 84e Avenue, passent devant un terrain de jeu, le long de la très fréquentée Grand Central Parkway, autour de la Thomas Edison High School, dans la 168e rue et reviennent à la 84e. Et ils le font 5649 fois. Pourquoi ?

L’indice est dans le nom. Fondée par le regretté chef spirituel indien Sri Chinmoy en 1997, la Self-Transcendence (la transcendance de soi) met au défi les coureurs de « transcender leurs propres capacités », « d’acquérir des connaissances spirituelles » et de « dépasser les idées préconçues du monde du possible ». Ceux qui sont assez coriaces pour finir vous diront que la course coche toutes les cases – et plus encore.

Les règles

Tout d’abord, les règles. Les coureurs ont 52 jours pour compléter la distance. Ils peuvent courir – ou marcher ou boitiller – autant qu’ils le souhaitent entre 6 h et minuit. Pendant les six heures qui suivent la fermeture du parcours, ils doivent manger, se laver et s’occuper de leurs pieds endoloris. Plus ils prennent de temps, moins ils dorment.

Ashprihanal Aalto détient le record masculin : 40 jours, 9 heures, 6 minutes
Ashprihanal Aalto détient le record masculin : 40 jours, 9 heures, 6 minutes

Pour vous épargner des maths, 3 100 miles en 52 jours équivalent à 59,6 miles (96 km) par jour. Quand Ashprihanal Aalto – un facteur finlandais sans prétention – a établi un nouveau record de 40 jours, 9 heures et 6 minutes en 2015, il a parcouru en moyenne près de 77 miles (124 km) par jour.

La course a été décrite comme “l’Everest de l’ultra-running”. Ça n’est pas près de lui rendre justice. Plus de 4000 personnes ont atteint le sommet de l’Everest depuis 1953. Seules 43 personnes ont achevé la Self-Transcendence en 22 ans.

Les coureurs

« Ce fut le moment le plus bouleversant de ma vie de coureur », déclare l’Ecossais William Sichel, légende de l’ultra et détenteur de 693 records mondiaux, britanniques et écossais, qui termine la course en 2014.

L’américaine Yolanda Holder, qui a terminé 540 marathons et ultra-marathons, est devenue la première personne à entièrement marcher sur la Self-Transcendence en 2017. « Ça m’a juste déchirée », dit-elle. « Je n’ai jamais pleuré à aucune de mes courses. Mais quand j’ai franchi cette ligne d’arrivée, mon garçon, j’ai pleuré. » C’est là que réside le frisson, l’attrait de soumettre votre corps et votre esprit à une expérience que la plupart des gens peuvent à peine comprendre, sans même oser envisager de l’entreprendre.

« Vous avez la chance de courir à votre guise », déclare Aalto, qui a terminé la course 14 fois, l’a remportée huit fois et participe actuellement à la 23e édition qui a débuté dimanche. « Quand vous courez un marathon, vous vous sentez bien. Quand vous courez un 100 km, vous vous sentez encore mieux. Et quand vous courez 3 100 miles, vous vous sentez encore mieux. »

Kaneenika Janakova bat le record féminin de la course en 2018
Kaneenika Janakova bat le record féminin de la course en 2018

La détentrice du record féminin, Kaneenika Janakova, née en Slovaquie mais vivant à proximité du parcours, le décrit comme un « terrain sacré ». « J’espérais ne pas trouver l’inspiration pour le faire », dit-elle en riant. « Mais ensuite … » Elle fait ses débuts en 2016, établissant un record de 48 jours, 14 heures et 24 minutes en 2017 et est de retour en 2018. Elle saute la course de cette année. « Ça me manque déjà. »

Selon le directeur adjoint de la course, Sahishnu Szczesiul lui-même vétéran de l’ultra, il est essentiel d’accepter les difficultés physiques. « Si vous pensez que ce sera une torture, vous n’avez probablement pas votre place ici. »

Le parcours

883 mètres a parcourir 5,649 fois
883 mètres a parcourir 5,649 fois

La course a lieu à Jamaica dans le Queen’s, un quartier vibrant et multiculturel maintenant, mais qui n’a pas toujours été le plus sûr, déclare Szczesiul. « Vous étiez entouré de tous ces ghettos. Il y avait l’anarchie, les trafiquants de drogue et les sans-abri. »

L’américaine Suprabha Beckjord, qui a participé à la première édition de la course et couru 13 fois de suite jusqu’en 2009, se souvient : « Au début, personne ne voudrait laisser sa voiture dans la rue – il n’en restait que quelques pièces le matin. »

Les coureurs doivent faire face à la météo imprévisible d’un été à New York. On sait que les températures atteignent les 38 °, l’humidité peut être étouffante et les averses torrentielles ne sont pas rares. C’est l’une des rares courses où vous verrez des athlètes d’élite concourir avec un parapluie.

Les coureurs partagent les rues avec la ville et son quotidien
Les coureurs partagent les rues avec la ville et son quotidien

Il n’y a pas non plus de routes fermées. Les concurrents partagent le trottoir avec les gens qui vaquent à leurs occupations quotidiennes. Par conséquent, éviter les piétons et les enfants à vélo devient une compétence essentielle. « Je n’avais jamais fait une telle course. J’étais complètement ébahi », raconte Sichel. « Sri Chinmoy avait définitivement le sens de l’humour. »

L’Épreuve

Bien que les blessures graves soient rares, le bilan de la course sur le corps peut être brutal. Holder, qui détient le record du plus grand nombre de marathons et d’ultra marathons en une année – 120 – pour une femme et qui a complété un marathon pendant 340 jours consécutifs en 2015, a souffert d’ampoules si douloureuses en 2018 qu’elle a dû se rendre aux urgences à l’hôpital.

Les soins des pieds figurent en tête de liste des priorités
Les soins des pieds figurent en tête de liste des priorités

« Je les ai appelées Misty Blue », dit-elle. « Je pleurais tous les jours. Après m’être retirée de la course, j’ai mis des photos sur les réseaux sociaux et les gens se sont plaints parce que c’était répugnant. Un an plus tard, mon pied gauche n’est toujours pas remis à 100 %. »

Sichel, qui porte toujours des chaussures d’une taille trop grande, est un « fanatique » du soin de ses pieds, mais a ses propres problèmes. « Le frottement peut être une agonie absolue. »

La pure monotonie de courir autour d’un pâté de maisons des milliers de fois – le seul signe de variété est le fait que la course change de sens chaque jour – a un impact mental qui, selon de nombreux coureurs, dépasse les exigences physiques.

La méditation

Sri Chinmoy, photographié ici en train de lever le double de son poids à 68 ans
Sri Chinmoy, photographié ici en train de lever le double de son poids à 68 ans

C’est ici qu’intervient la méditation. Sri Chimnoy, qui émigre aux États-Unis dans les années 1960, devient enseignant spirituel à New York et commence la course à pied de longues distances, puis l’haltérophilie.

En utilisant la prière et la méditation pour augmenter sa « force extérieure », il souleve des éléphants, des avions et des voitures, ainsi que 8 000 personnes entre 1988 et 2007, notamment Nelson Mandela et Desmond Tutu.

« Ce n’est que votre esprit qui vous torture. Avec la méditation, cela devient possible », déclare Beckjord. Aalto approuve. « Vous allez dans un endroit spécial », dit-il.

La transcendance de soi

Holder, l’une des rares coureurs à ne pas être disciple de Sri Chinmoy, déclare qu’elle a « transcendé » 48 jours dans son premier 3 100 miles. « Je me suis vue juste devant moi », se souvient-elle. « C’était très très effrayant. La nuit suivante, je me suis revue et j’ai dit : ‘Vas-y, ma fille.’ J’ai vraiment exploité mon moi intérieur et ma spiritualité. »

Sichel ajoute : « Je ressemble à un zombie. Je suis dans mon propre monde. Mon assistant m’a dit une fois : ‘Tu n’as pas parlé depuis trois heures.’ » Chacun se débrouille à sa manière. « Ne pensez jamais à toute la distance », prévient Beckjord, qui s’imagine être une enfant qui court dans le jardin. « Il y a ce bel et grand arbre. C’est le coin le plus animé du parcours, mais il maintient un endroit paisible. Vous obtenez de la joie avec les choses simples. »

Yolanda Holder est connue sous le nom de la « Diva Marchante »
Yolanda Holder est connue sous le nom de la « Diva Marchante »

Janakova répète des mantras ou pense à ce qu’elle va manger ensuite. Holder peut discuter avec sa famille au téléphone ou diffuser une partie de la course sur les réseaux sociaux, où elle est connue comme la « Diva Marchante ». L’autrichienne Surasa Mairer, finissante à trois reprises et ancienne détentrice d’un record, chante ou écoute de la musique.

L’alimentation

Les coureurs doivent manger constamment, qu’il s’agisse des repas végétariens fournis par les volontaires de la course ayant converti un double garage en une cuisine improvisée, ou de collations faciles à digérer fournies par leur équipe de soutien. Les œufs, le pain, les crêpes, le pain perdu et les smoothies sont des aliments de base, tandis que Sichel estime qu’il mange trois litres de crème glacée chaque jour. « Ça glisse vraiment bien, surtout la vanille. »

Janakova résume le défi de courir et de manger : « Tu ne veux pas manger, puis tu ne peux plus attendre pour manger. Tu dois avaler quelque chose à chaque tour, ainsi il n’y a pas de repos pour ton estomac. » Holder découvre qu’elle a envie de McDo. Aalto se souvient d’avoir couru en mangeant un paquet de chips et un passant de crier : « Vous vous moquez de moi ! » « Il pensait que je venais de faire un jogging », dit-il.

Malgré le grignotage constant, il est difficile de consommer 10 000 calories par jour. Holder, déjà mince, perd plus de 6 kg lors de la course de 2017, après quoi elle déclare qu’elle « ne pouvait plus se regarder dans le miroir ».

Le repos

William Sichel dort un peu pendant la course
William Sichel dort un peu pendant la course

Dormir est un autre défi. Holder a du mal à dormir pendant les deux premières semaines, mais lorsqu’elle maîtrise finalement la sieste de 15 minutes, elle dit que c’est comme cinq heures de sommeil. « Votre corps s’adapte – il devient comme une machine. »

« Je rêve que je tourne en rond, » dit Beckjord. Sichel explique que son succès dans les ultra-marathons réside en partie dans sa capacité à survivre avec peu de sommeil. Il déclare : « Vous vous habituez à vous sentir fatigué. »

L’expérience

L’expérience est cruciale dans les ultras et un coup d’œil rapide sur la liste des coureurs qui ont terminé la course, montre que l’âge n’est définitivement pas une barrière. En fait, cela pourrait être un avantage.

Aalto a 44 ans lorsqu’il a bat le record. Janakova en a 48 la dernière fois qu’elle termine la course. Beckjord a 53 ans dans sa dernière Self-Transcendence. Mairer en a 56 quand elle a bat le record féminin de Beckjord en 2016 (elle est également une ancienne détentrice du record du monde du 5 km, du 10 km, du semi-marathon et du marathon en marche arrière). Holder est la femme la plus âgée à 59 ans ayant terminé. Et Sichel a 60 ans lorsqu’il devient le plus vieux à terminer en 2014.

L’organisation

Il est fort probable que vous n’ayez jamais entendu parler d’aucun d’entre eux, bien que M. Aalto ait déjà rencontré la présidente finlandaise. « Elle m’a étreint. »

L’ultra est l’un des sports les plus spécialisés – et parcourir 3 100 milles se situe à la fin de cette gamme déjà étroite. La couverture médiatique de la Self-Transcendence est pour le moins limitée, bien qu’un documentaire magnifiquement tourné intitulé 3100: Run and Become (3100 : cours et deviens) soit bientôt disponible au Royaume-Uni.

La nuit tombe au QG de la course
La nuit tombe au QG de la course

Dire que la Self-Transcendence est discrète est un euphémisme. Le classement des coureurs est fait de nombres accrochés à une clôture près de la ligne de départ. Le quartier général de la course n’est guère plus qu’une table pliante et un ordinateur portable. Les coureurs font la sieste dans les caravanes garées sur la route. Ils peuvent recevoir un t-shirt à la fin, peut-être un DVD et un petit trophée les bonnes années.

Une petite foule de volontaires applaudissant les finisseurs près de la ligne est la norme. Aalto est pris sur le parcours lorsqu’il bat le record en 2015, sur un char spécialement décoré. Et cela convient très bien aux coureurs.

« Les récompenses sont intrinsèques », déclare Sichel. « Je le fais pour mon propre progrès », reconnaît Janakova, qui fait partie de ceux et celles qui affirment ne pouvoir prendre qu’un faible montant du crédit. « J’ai senti que ce n’était pas vraiment moi qui l’avais réalisé. Je pense qu’il y a une force supérieure. » Mairer fait écho à cela en disant : « Parce que je ne suis pas si forte et qu’à la maison je ne peux pas courir longtemps, il semble que lorsque je suis sur la ligne de départ, je suis une autre personne. »

Les volontaires affichent un message – une inspiration pour ceux qui courent
Les volontaires affichent un message – une inspiration pour ceux qui courent

Même Beckjord, une femme dont les 13 courses sont finies, a presque fait le tour du monde deux fois : « Si vous me regardez, vous ne penserez pas que je peux faire quelque chose comme ça. Cela a très peu à voir avec moi – je suis juste là avec mes chaussures. »

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.